Highwood Congregation of Jehovah’s Witnesses (Judicial Committee) c. Wall, 2018 CSC 26 (CanLII) [2018] 1 RCS 750 [Résumé]
Congregation of Jehovah’s Witnesses (Judicial Committee) c Wall, 2018 CSC 26
La Cour suprême a décidé à l’unanimité que les groupements religieux n’ont pas besoin d’avoir les mêmes procédures équitables que les organismes publics. D’ailleurs, les tribunaux ne peuvent s’ingérer dans les décisions prises par ces groupements sur des questions purement religieuses.
La Highwood Congregation of Jehovah’s Witnesses (Assemblée des Témoins de Jéhovah de Highwood) est un groupement religieux situé à Calgary composé d’une centaine de membres. Pour devenir membre, une personne doit être baptisée et démontrer qu’elle comprend les enseignements religieux et vit en harmonie avec les règles de la communauté. Quiconque ne suit pas les règles sera encouragé à se repentir (s’excuser). Si le comportement persiste, un comité composé d’au moins trois anciens peut décider d’exclure ou « excommunier » le membre. L’assemblée appelle ce comité un « Comité de discipline religieuse ».
Randy Wall est devenu membre en 1980. En 2014, le Comité de discipline religieuse l’a excommunié pour avoir péché et ne pas s’être repenti pleinement. La décision a été confirmée par un comité d’appel et par la Tour de Garde Société de Bible et de Tracts du Canada, le siège social des Témoins de Jéhovah dans ce pays.
M. Wall a demandé à la Cour du Banc de la Reine de l’Alberta de revoir la décision. Un « contrôle judiciaire » signifie que la cour revoit les décisions d’un tribunal afin de s’assurer que celles-ci sont appropriées. La Cour peut procéder à un contrôle judiciaire uniquement des décisions prises par des organismes publics (établis par le gouvernement et agissant pour son compte), non par des organismes privés. En prenant des décisions, les tribunaux publics doivent traiter tout le monde équitablement et prendre des décisions sans préjugés. C’est ce qui est impliqué par « l’équité procédurale ».
M. Wall affirmait que le Comité de discipline religieuse n’avait pas agi de façon équitable. Il disait que la décision lui avait occasionné des pertes pécuniaires parce que les clients Témoins de Jéhovah évitaient son entreprise dans le secteur immobilier. Les tribunaux inférieurs devaient d’abord décider s’ils avaient le pouvoir (ou autorité légale) de revoir la décision du Comité de discipline religieuse d’excommunier. Ils ont décidé qu’ils l’avaient, même si le Comité de discipline religieuse n’était pas un décideur public. Ils ont tiré cette conclusion en raison de l’impact financier sur M. Wall et parce que la procédure avait pu ne pas être équitable.
Le juge Malcolm Rowe a écrit au nom d’une Cour Suprême unanime que cette conclusion était erronée. Les tribunaux n’ont pas le pouvoir de revoir une décision d’excommunier prise par un organisme religieux privé. M. Wall n’avait pas un droit de faire affaire avec les membres de l’assemblée. Il n’avait pas non plus un droit d’être membre de l’assemblée, que les tribunaux pouvaient imposer tel un contrat. Le juge Rowe a confirmé que les tribunaux ne peuvent revoir que les décisions prises par les décideurs publics et que les décideurs privés ne sont pas tenus de suivre une procédure équitable à moins qu’un droit juridique exécutoire soit en jeu. Il a également confirmé que les désaccords sur les principes religieux sont « non justiciables » – c’est-à-dire qu’il est inapproprié qu’ils soient traités par les tribunaux.
Cette décision a confirmé que les groupements religieux ont le pouvoir décisionnel en matière d’appartenance et de règles. Les tribunaux ne peuvent s’ingérer dans leurs décisions, sauf lorsque c’est nécessaire pour résoudre un conflit judiciaire « justiciable » sous-jacent.
Congrégation des témoins de Jéhovah de St-Jérôme-Lafontaine c. Lafontaine (Village), 2004 CSC 48 (CanLII) [2004] 2 RCS 650 [Résumé]
Congrégation des Témoins de Jéhovah de St-Jérôme-Lafontaine c Lafontaine (Village), [2004] 2 RCS 650
Depuis 1989, la Congrégation des Témoins de Jéhovah du Village de Lafontaine, dans la Province du Québec, cherchait une parcelle de terrain appropriée pour construire un lieu de culte. L’autorité du Village responsable du zonage avait désigné quatre parcelles de terrain pour les églises et d’autres services communautaires, mais les quatre propriétés étaient déjà toutes occupées. En 1992, la Congrégation a fait une demande afin de modifier le zonage d’une parcelle de terrain située dans une zone « résidentielle », dans le centre du Village, que la Congrégation pourrait utiliser. L’autorité du Village responsable du zonage a refusé, disant que cela augmenterait la charge fiscale des contribuables locaux. Ensuite, la Congrégation a fait deux demandes supplémentaires pour modifier le zonage d’une parcelle de terrain située dans une zone « commerciale » près des limites du Village. L’autorité du Village responsable du zonage a refusé catégoriquement d’examiner les demandes, sans donner les raisons de son refus, et prétendait pouvoir refuser la modification à son entière discrétion de zonage. La Congrégation a demandé à la cour d’émettre une ordonnance de mandamus afin d’obliger le Village à délivrer les permis requis pour construire leur lieu de culte. Les tribunaux du Québec n’ont pas accordé la demande de mandamus. La Congrégation a fait appel.
La Cour suprême du Canada a renvoyé la demande de zonage de la Congrégation à l’autorité du Village responsable du zonage afin que celle-ci prenne des mesures conformément à quatre principes fondamentaux du droit municipal. Premièrement, une autorité publique est tenue d’exercer les pouvoirs qui lui ont été conférés équitablement, de bonne foi et dans l’intérêt du public. Deuxièmement, la liberté de religion comprend le droit d’avoir un lieu de culte. Troisièmement, les autorités de l’état et les autorités publiques ont un devoir de neutralité religieuse qui garantit la tolérance individuelle ou collective. Quatrièmement, lorsque l’État crée une situation qui entrave l’exercice d’un droit, il pourrait être requis de prendre des mesures positives afin de mettre fin à cette ingérence. La décision judiciaire de Roncarelli c Duplessis, [1959] RCS 121 a établi qu’une décision arbitraire ou capricieuse d’un fonctionnaire ne peut être à l’abri d’un examen judiciaire. L’autorité du Village responsable du zonage avait agi de façon arbitraire et qui chevauchait la limite entre la bonne foi et la mauvaise foi.
[À ce jour, d’autres tribunaux se sont appuyés sur cette décision ou s’y sont référés à 9 reprises.]
Blainville (Ville) c. Beauchemin, 2003 CanLII 12922 (QC CA) [Résumé]
Beauchemin c Blainville (Ville de), [2001] Q.J. No. 1503 (Cour supérieure du Québec) (Q.L.) ; (2003), 231 D.L.R. (4e) 706 (Cour d’appel du Québec)
La Ville de Blainville, dans la Province du Québec, a adopté un règlement municipal qui exigeait que toute personne faisant du porte-à-porte obtienne un permis. Le règlement municipal visait particulièrement les « visites à caractère religieux ». Le permis coûtait 25 $ [CAD], et le titulaire du permis était limité à l’achat d’un seul permis pour une période de deux mois, tous les 12 mois. De plus, les visites de porte en porte n’étaient permises que de 10 h à 19 h 30 du lundi au vendredi, lorsque la plupart des résidents de la Ville étaient au travail ou à l’extérieur de leurs foyers. La Ville comptait sur la législation provinciale qui permettait aux municipalités d’établir des règlements municipaux « pour sécuriser la paix, l’ordre, le bon gouvernement, la santé et le bien-être général » et de gérer la distribution de « circulaires, publicité, prospectus et d’autres imprimés du même genre ». M. Beauchemin et 13 autres personnes, Témoins de Jéhovah, ont reçu une contravention pour avoir violé le règlement municipal de la Ville en faisant du prosélytisme. Ils ont engagé une poursuite contre la Ville pour contester le règlement municipal. La Cour supérieure du Québec a déclaré le règlement municipal invalide, déclarant qu’il est insultant et dégradant de comparer les Témoins de Jéhovah à des colporteurs. Les Témoins de Jéhovah échangent des idées avec les citoyens sur des sujets religieux qui sont positifs et d’un intérêt commun et participent à un « service communautaire chrétien ». Il y a un permis implicite pour tous les membres du public de s’approcher de la porte d’un domicile privé et d’y cogner afin de permettre des communications appropriées. Il n’y avait aucune preuve d’une infraction de domicile ou de violation de la vie privée. Le service communautaire de porte en porte des Témoins de Jéhovah fait partie de l’exercice des libertés fondamentales constitutionnelles.
La Cour d’appel du Québec [la plus haute instance d’appel dans la province du Québec] a confirmé la décision de la Cour supérieure. D’abord, la qualité de vie et la paix des citoyens de Blainville n’avaient pas besoin d’être protégées du service communautaire des Témoins de Jéhovah. La décision judiciaire Saumur c Québec (Ville), [1953] 2 RCS 299, établit qu’exiger un permis avant qu’une personne puisse aller de porte en porte pour discuter de la religion avec son voisin viole la liberté d’expression, qui est cruciale à la démocratie. Les citoyens ont le droit d’écouter tout message sans l’ingérence d’un conseil municipal « Big Brother ». Deuxièmement, le règlement municipal viole la liberté de religion des Témoins de Jéhovah. Tel qu’énoncé dans la décision de la Cour européenne des droits de l’homme, Kokkinakis c Grèce (1993), 17 E.H.R.R. 397, le prosélytisme est un aspect protégé de la liberté de religion, sous réserve des limites nécessaires à la protection de la sécurité, de l’ordre, de la santé publique, ou de la morale ou des libertés et droits fondamentaux d’autrui. L’habitude des Témoins de Jéhovah de discuter de la Bible avec les voisins, pendant la journée et en semaine ainsi qu’en soirée et les fins de semaine, n’entrave aucune de ces restrictions nécessaires.
Comité pour la République du Canada c. Canada, 1991 CanLII 119 (CSC), [1991] 1 RCS 139 (intervenant) [Résumé]
Comité pour la République du Canada c Canada, [1991] 1 RCS 139 (Cour suprême du Canada)
Trois membres d’un groupement politique, le Comité pour la République du Canada, ont tenté de porter des affiches, distribuer des dépliants et participer à d’autres activités d’expression à l’intérieur d’un aéroport dans la province du Québec. Les agents de l’aéroport les en ont empêchés et les ont avisés que la publicité et la sollicitation étaient interdites à l’intérieur de l’aéroport par loi fédérale. Le groupement politique a intenté une action en justice, et le tribunal d’instance inférieure a déclaré que leur droit constitutionnel à la liberté d’expression était entravé. L’État a fait appel. [La Cour suprême du Canada a accordé aux Témoins de Jéhovah le statut d’intervenant (amicus curiae) pour plaider en faveur de la position juridique du groupement politique.]
La Cour suprême du Canada a rejeté l’appel de l’État. La liberté d’expression ne peut être refusée arbitrairement à l’égard d’un hall d’aérogare qui appartient au gouvernement. Les endroits à l’intérieur de l’aéroport, qui ne sont pas des zones de sécurité, sont caractéristiques des tribunes publiques, servant à bien des égards de carrefours ou de voies contemporaines, l’équivalant moderne des rues et chemins d’autrefois. De tels endroits peuvent accommoder l’expression sans aucunement compromettre l’efficacité ou le fonctionnement des lieux.
[À ce jour, d’autres tribunaux se sont appuyés sur cette décision ou s’y sont référés à 124 reprises.]
Saumur et al. v. Procureur général du Québec, 1964 CanLII 67 (SCC), [1964] SCR 252
Lamb c. Benoit et al, [1959] SCR 321 [Résumé]
Lamb c Benoit, [1959] SCR 321 (Cour suprême du Canada)
En 1946, Mlle Lamb et trois autres femmes ont participé au prosélytisme en distribuant les publications religieuses des Témoins de Jéhovah sur le coin d’une rue dans la province du Québec. À la demande d’un agent de la police provinciale, les quatre femmes sont montées dans une voiture occupée par M. Benoit, un deuxième policier. Il a fouillé le sac à main de Mlle Lamb, mais n’a rien trouvé de répréhensible. En revanche, les trois autres femmes possédaient les copies d’un imprimé intitulé La haine ardente du Québec pour Dieu, le Christ et pour la liberté, considéré à l’époque comme un écrit diffamatoire séditieux. [Voir Boucher c R., [1951] RCS 265]. Mlle Lamb et les trois autres femmes ont été conduites au poste de police, où elles ont toutes subi la prise d’empreintes digitales, ont été photographiées et détenues pour deux jours. On a offert à Mlle Lamb sa libération à condition qu’elle signe un document stipulant qu’elle n’entreprendrait aucune action contre la police pour l’avoir détenue. Elle a refusé. Sur quoi M. Benoit a chargé un troisième policier de porter contre Mlle Lamb une accusation de diffusion de libelle séditieux et participation à un complot pour afficher un écrit séditieux en public et de le diffuser de porte en porte. Mlle Lamb a poursuivi M. Benoit et les deux autres agents en justice pour arrestation illégale et dommages. Les tribunaux du Québec ont rejeté les accusations contre les trois agents, et Mlle Lamb a fait appel.
La Cour suprême du Canada a jugé M. Benoit comme étant personnellement et seul responsable des dommages résultant de l’arrestation illégale, de la séquestration, et de la poursuite malveillante de Mlle Lamb. Comme dans la décision judiciaire de Chaput c Romain, [1955] RCS 834, il n’existait aucune loi provinciale accordant l’immunité judiciaire à un fonctionnaire à laquelle M. Benoit aurait pu avoir recours. Il a agi de mauvaise foi et avec malice, sachant que les accusations portées contre Mlle Lamb étaient fausses.
[À ce jour, d’autres tribunaux se sont appuyés sur cette décision ou s’y sont référés à 14 reprises.]
Chaput c. Romain, [1955] SCR 834, 1955 CanLII 74 [Résumé]
Chaput c Romain, [1955] SCR 834 (Cour suprême du Canada)
Un dimanche après-midi en 1949, dans la province du Québec, un groupe de 30 à 40 personnes était tranquillement et paisiblement réuni à l’intérieur du domicile de M. Chaput pour une cérémonie religieuse des Témoins de Jéhovah. M. Romain était un des trois agents de la police provinciale qui, portant leurs uniformes, ont pénétré dans la maison sans mandat quelconque, dit au ministre qui présidait d’arrêter de lire la Bible, ordonné à tous les assistants de quitter, et saisi une Bible, des recueils de cantiques et un nombre de dépliants religieux. Tous ont quitté les lieux de façon ordonnée. Les agents ont saisi le ministre qui présidait, l’ont conduit à la rivière servant de frontière provinciale et l’ont mis sur le traversier en direction de la province de l’Ontario. Le rapport rédigé par les agents a indiqué qu’un prêtre catholique local avait signalé qu’une réunion religieuse des Témoins de Jéhovah allait avoir lieu chez M. Chaput, et qu’un officier supérieur avait donné l’ordre d’y mettre fin. M. Chaput a poursuivi les policiers en justice pour dommage pécuniaire. Les tribunaux du Québec ont rejeté le recours de M. Chaput et il a fait appel.
La Cour suprême du Canada a accordé une indemnisation à M. Chaput. Premièrement, il n’y a pas de religion d’État au Canada. Deuxièmement, selon le droit pénal canadien, le fait d’entraver ou d’empêcher tout membre du clergé d’officier à un office religieux dans tout lieu de culte est un acte criminel. Troisièmement, les agents de police qui agissent en dehors de l’exercice de leurs fonctions publiques aux termes de la loi sur la police provinciale ne peuvent revendiquer l’immunité judiciaire face à une action pour dommages. Un policier a le devoir de maintenir la paix. Dès qu’il était établi qu’il n’y avait pas de violation de la paix, on ne pouvait plus estimer que les agents avaient agi de bonne foi dans l’exercice de leurs fonctions publiques.
[À ce jour, d’autres tribunaux se sont appuyés sur cette décision ou s’y sont référés à 54 reprises.]
Saumur c. Québec (Ville), [1953] 2 SCR 299, 1953 CanLII 3 [Résumé]
Saumur c Québec (Ville de), [1953] 2 SCR 299 (Cour suprême du Canada)
La Ville de Québec avait un règlement municipal interdisant la diffusion dans les rues de tout écrit sans l’autorisation du chef de police. M. Saumur, un missionnaire-évangéliste des Témoins de Jéhovah, a été arrêté et emprisonné en vertu de ce règlement parce qu’il prêchait oralement l’évangile du Royaume de Dieu et diffusait des écrits bibliques de maison en maison. M. Saumur a poursuivi la Ville de Québec pour contester son règlement municipal pour le motif qu’il constituait une violation de sa liberté de religion et de culte.
La Cour suprême du Canada a déclaré le règlement municipal invalide et a prononcé une ordonnance d’injonction interdisant à la Ville de Québec de s’ingérer dans la diffusion des écrits des Témoins de Jéhovah. Premièrement, le but réel du règlement municipal n’était pas de contrôler la condition des rues, mais d’imposer une censure à la diffusion des publications écrites. Deuxièmement, la loi fédérale canadienne [en 1953] établit « la jouissance du libre exercice du culte de toute profession religieuse, sans distinction ni préférence, » laquelle est un droit constitutionnel de toute personne au pays. Diffuser leur point de vue oralement et par écrit fait partie du mode de culte des Témoins de Jéhovah, et ils avaient le droit légal d’agir ainsi. Troisièmement, selon le partage des pouvoirs législatifs entre le gouvernement fédéral et les gouvernements provinciaux du Canada, la liberté de culte et la liberté de presse ne relèvent pas des compétences législatives des provinces. Par conséquent, la province de Québec n’était pas habilitée à autoriser la Ville à adopter un tel règlement qui restreint la liberté de culte et de presse.
[À ce jour, d’autres tribunaux se sont appuyés sur cette décision ou s’y sont référés à 114 reprises.]
Boucher c. The King, [1951] SCR 265, 1950 CanLII 2 [Résumé]
Boucher c R., [1951] SCR 265 (Cour suprême du Canada)
M. Boucher était un Témoin de Jéhovah, un cultivateur et un « citoyen exemplaire » qui habitait la province de Québec. Il a été condamné pour « avoir publié un libelle séditieux » selon le droit pénal fédéral parce qu’il a distribué une brochure intitulée La haine ardente du Québec pour Dieu, le Christ et pour la liberté, est un sujet de honte pour tout le Canada. La brochure était éditée par les éditeurs officiels des Témoins de Jéhovah. Il s’agissait d’un narratif détaillé pour protester contre les cas précis de persécution contre les Témoins de Jéhovah de la province, y compris les violences collectives, les coups, la destruction des Bibles et des écrits religieux, les violations de domicile, la perturbation des offices religieux, les arrestations par les policiers de Témoins de Jéhovah inoffensifs, les demandes de cautions exorbitantes, les délais des procédures criminelles, les peines de prison et les amendes élevées, ainsi que les préjugés et l’animosité de la police locale, de certains fonctionnaires et des membres du système judiciaire incités par le clergé catholique. Les cas de persécution étaient « vindicatifs » pour les activités paisibles des Témoins de Jéhovah, par exemple, la diffusion de Bibles et d’écrits sur la doctrine chrétienne, la tenue de discours publics pour enseigner la vérité religieuse, et l’organisation de services religieux dans la fraternité chrétienne. Le dépliant concluait par un appel au peuple du Québec à étudier et à suivre l’amour enseigné dans la Bible. Les tribunaux du Québec ont jugé M. Boucher coupable d’avoir diffusé un « libelle séditieux », et il a fait appel.
La Cour suprême du Canada a rejeté la condamnation et déclaré un verdict de non-coupable. Le crime de « libelle séditieux » a été élaboré en Angleterre au 17e siècle, et a été éventuellement défini comme « soulever le mécontentement ou la désaffection parmi les sujets de Sa Majesté ou promouvoir les sentiments de mauvaise volonté et d’hostilité entre les différentes classes [de sujets] ». Cette définition ne représente pas adéquatement l’état de la common law au Canada. Les hypothèses sociales et les conceptions fondamentales du gouvernement qui sous-tendent cette définition ne correspondent pas à celles d’un gouvernement démocratique moderne. De nouvelles conceptions de gouvernement justifient de nouvelles conclusions juridiques. Le droit au débat public libre sur tout ce qui concerne l’État, son gouvernement et l’administration de la justice est depuis longtemps établi fermement au Canada, uniquement assujetti aux contraintes qui lui sont imposées par les lois sur la diffamation et l’outrage au tribunal. C’est ainsi qu’une preuve d’intention « séditieuse » doit être fondée sur des preuves d’incitation à la violence, au désordre public ou à un comportement illicite contre les institutions du gouvernement. M. Boucher avait tenu pour vraies les déclarations du dépliant et l’avait distribué de bonne foi avec le désir d’établir la paix. Il n’y avait aucune preuve que les faits mentionnés dans le dépliant n’étaient pas véridiques.
[À ce jour, d’autres tribunaux se sont appuyés sur cette décision ou s’y sont référés à 49 reprises.]
Donald et al c. The Board of Education for the City of Hamilton et al, [1945] OR 518, [1945] 3 DLR 424, 1945 CanLII 117 (CA), [Résumé]
Donald c. Hamilton Board of Education, [1945] O.R. 518 (Cour d’appel de l’Ontario)
Robert et Graham étaient de jeunes enfants qui fréquentaient une école publique dans la ville de Hamilton. En 1940, les garçons âgés de 12 et 8 ans respectivement, ont été suspendus de l’école parce qu’ils ont refusé de chanter l’hymne national, de réciter le serment d’allégeance, et de saluer le drapeau. En revanche, ils se sont levés respectueusement et n’ont dérangé personne. Les garçons, ainsi que leur père M. Donald, se sont opposés à de tels exercices patriotiques en raison de leurs croyances religieuses en tant que Témoins de Jéhovah. Les expulsions ont été approuvées ou autorisées par la Commission scolaire de Hamilton (Hamilton Board of Education). M. Donald a cherché à obtenir une déclaration judiciaire stipulant que ses fils avaient le droit de fréquenter les écoles de la Commission scolaire et de s’abstenir de participer à des exercices patriotiques. M. Donald réclamait aussi des dommages-intérêts pour les cours particuliers et les livres. Le tribunal de première instance a rejeté la demande et a estimé que la Commission scolaire avait le devoir d’exiger que les élèves participent à de tels exercices patriotiques. M. Donald a fait appel.
La Cour d’appel de l’Ontario [la plus haute cour d’appel de cette province] a fait droit à toutes les demandes de M. Donald. La loi provinciale exempte les élèves des écoles publiques de participer à des exercices de religion ou de culte avec lesquels ils ou leurs parents ne sont pas d’accord. La loi ne définit ni ne spécifie de quels exercices il s’agit. Il n’appartient pas au tribunal de dire que les exercices patriotiques dont il est question n’avaient aucune signification religieuse ou cultuelle, quand M. Donald et ses fils croyaient en toute bonne conscience qu’ils constituaient une forme d’idolâtrie incompatible avec leur foi.